[…] la flûtiste Raquele Magalhaes et la pianiste Marie-Josèphe Jude n’ont rien laissé au hasard, et ont adapté d’elle-mêmes des partitions écrites pour le violon. […] La qualité de jeu et l’accord des interprètes importe tout autant que celle de la réécriture. Chez Ravel, la générosité et l’éloquence de la flûte, bercée par un piano ondoyant, font nos délices. Les pièces de Schumann et la Sonate de Debussy, mélange de grâce poignante et de poésie ludique, donnent lieu à un concours d’engagement et d’expressivité. Et la richesse des couleurs du Prélude compose élégamment l’effacement des timbres orchestraux.

[…] Les autres réalisations sont dues aux deux artistes. Celle de la Sonate posthume pour violon et piano de Ravel par Raquele Magalhães se révèle particulièrement convaincante. Cette œuvre de jeunesse répond au caractère de la flûte grâce à sa parenté avec Daphnis et Chloé ou avec le Prélude de Debussy. Evoluant entre féérie, virtuosité et drame, le programme est interprété en totale connivence par des interprètes qui se stimulent sans se dominer, à la fois au service l'une de l'autre et du texte.

[…] Raquele Magalhaes joue avec un son riche et clair. Elle crée également des lignes d'une douceur phénoménale. Avec Jude, le Ravel est hypnotique. […] Le hautbois se projette également différemment de la flûte, mais les Romances fonctionnent mieux et peuvent être jouées avec pratiquement aucun changement. Elles sont superbement interprétées. La première pourrait appartenir à une catégorie à part. De même, je suis ravi d'entendre la Sonate de Debussy […]

​Le « pianisme » de Marie-Josephe Jude donne à ces pièces tout ce dont elles ont besoin, que ce soit la clarté ou le mystère. J'ai adoré le premier album de cette flûtiste en 2016 chez Evidence (Jan/Fév 2017 : 192) et ne ressens pas le besoin de changer mon impression : l'entendre, c'est tomber amoureux à la fois du son et de la musicalité.

[…] Car outre quantité de problèmes « techniques », la difficulté y est également celle de l’expressivité : la nature instrumentale originale y revêt une importance bien supérieure, y compris dans la conscience collective ! Et c’est tout le mérite des interprètes que d’être parvenues ici à convaincre de façon aussi naturelle.

Car de bout en bout, les deux musiciennes séduisent par un duo et un sens de l’équilibre d’une rare perfection, mais également par un raffinement de chaque instant. Qu’il s’agisse de la délicatesse, du tempérament, des couleurs, ou de la virtuosité, tout est d’une qualité suprême. Quant à Raquele Magalhaes, douée d’une sonorité exceptionnelle, elle subjugue par la poésie du jeu, déjoue avec subtilité les pièges de la transcription, et allie finesse et intensité avec un talent éblouissant. Le disque est dédié à la mémoire d’Alain Marion : il est évident qu’il a transmis à son élève une inspiration hors du commun…

[…]  Mais il y a aussi, comme dans ce disque, le désir de deux grandes artistes de jouer ensemble un répertoire élargi au-delà de la littérature plus réduite de leurs instruments respectifs, le piano et la flûte. Marie-Josèphe Jude, pianiste, et Raquele Magalhães, flûtiste, se font donc le plaisir, pour le nôtre, de renouveler notre écoute de certaines pages du romantisme allemand, à travers Robert Schumann, et du symbolisme français de Debussy et Ravel.

Composée en 1897, mais avec une publication posthume, la Sonate pour violon et piano de Ravel, est transcrite par Raquele Magalhães, qui nous fait passer du vol du violon à la vocalité volubile de la flûte, fondue parfois rêveusement dans le silence, voletant tel un oiseau sur le ruissellement liquide du piano. […]

On goûtera la rondeur et la douceur rêveuse de la flûte de Raquele Magalhães sur le tapis velouté du piano de Marie-Josèphe Jude, et autant que l’accord des instruments, l’harmonie de leur volume et puissance […]

La transcription pour flûte et piano de Gustave Samazeuilh s’étire tout aussi paresseusement, et voluptueusement que le faune sensuel au soleil du désir dont les deux interprètes complices font sentir le doux et souriant tressaillement.

[…] La flûte apporte une légèreté épousant avec bonheur les lignes mélodiques et rythmiques tracées par un piano virtuose. Une fabuleuse entente entre deux musiciennes au sommet de leur art.

[…] Son unique mouvement est adapté par la flûtiste elle-même. Sa fraîche élégance est loyalement respectée, dans un élan printanier, enthousiaste et papillonnant. Le voile délicat de la sonorité du piano comme la véhémence contrôlée de la flûte, dans des phrases adorablement emportées, sont les atouts de cette attractive interprétation, visitée par la poésie. […] Le caractère volubile de la flûte traduit facilement le chatoyant traitement du thème et de ses motifs dérivés. La fluidité du piano en mène habilement l’émerveillement romantique, soulignant l’ombre tragique dont souffre la modulation de la coda. […]

La dernière fait exactement l’inverse : atmosphère lourde et sombre, parsemée de sursauts optimistes. Toute la sensibilité souhaitée est au rendez-vous de ce disque. […] Quelques mois avant de disparaître, le compositeur achevait sa Sonate pour violon et piano en sol mineur. Elle est ici donnée dans une adaptation des interprètes qui en transmet tous les questionnements et le pessimisme.

Traduit de l'allemand

[…] Les deux se fondent en une parfaite unité expressive, et ainsi les transcriptions des sonates pour violon de Schumann (n° 1), Debussy et Ravel (Sonate postume) sont plus qu'enchanteresses. La transcription du "Prélude à l'après-midi d'un faune" de Samazeuilh ne pouvait pas être interprétée de manière plus idiomatique, et pour moi Raquele Magalhães représente le sommet de l'art de la flûte d'aujourd'hui.

Traduit de l'allemand

[…] Les objections à la transcription de la 1ère Sonate pour violon de Schumann présentée sur le CD ne seront pas complètement dissipées. Le fait que le piano ne couvre pas le doux son de la flûte et que la combinaison inhabituelle semble presque à part après une série de répétitions est également dû à la noblesse du pianiste, est surtout grâce au son fabuleusement, fabuleusement, magiquement doux, doux, sombre et riche du flûtiste.
Pour moi, les points forts du CD sont deux œuvres de Debussy. Son Prélude à l'après-midi d'un faune a-t-il jamais été joué et, oui, chanté d'une manière plus colorée, plus fine et plus séduisante ? Lorsqu'elle le joue, elle a toujours à l'oreille les "chanteurs folkloriques" brésiliens de son enfance et de sa jeunesse.

[…] La sonate pour violon et piano, écrite 25 ans plus tard et d'inspiration classique, a été transcrite par les deux artistes : ils jouent comme Debussy l'exige, de manière fantastique, légère, vivante, émouvante et animée.

[…] On a là trois Sonates pour violon et piano dont la partie violon est transcrite remarquablement par la flûtiste brésilienne RaqueleMagalhães pour son instrument auquel la chambriste Marie-Josephe Jude, qu’on ne présente plus, offre un superbe écrin pianistique. Successivement la « Sonate posthume » de Ravel contrastant avec la « Sonate opus 105 » de Schumann qui suit pour s’achever en apothéose par la « Sonate n°3 » de Debussy. […]

Des pages que leurs transcriptions tendent à populariser tout en leur conférant une autre vie ; de la musique pleine et entière.

[…] mais dans le son intime et chaleureux de la flûte de Raquele Magalhäes, elles trouvent une vitalité nouvelle et surprenante.

[…] Ainsi, l’opus posthume de Ravel, sa Sonate pour violon et piano en un seul mouvement de 1897, dont on goûte davantage encore le coloris fauréen dans l’ondoiement rêveur de sa flûte. Vingt ans plus tard, la Sonate en sol mineur pour violon et piano de Debussy fascine par sa liberté de ton et la fusion qu’elle opère entre les deux instruments, jusqu’aux notes doublées du « Finale » – et que restituent pleinement les interprètes qui signent en outre cette version.

[…] La flutiste brésilienne enrichit ainsi le répertoire de son instrument qu’elle défend avec un sens précis des couleurs et une technique solide. Ainsi interprétée, la musique de Ravel et de Debussy semble  complètement naturelle. Le Prélude à l'après-midi d'un faune, immense tube de la musique classique, se redécouvre même avec intérêt grâce à cette écoute concentrée sur le jeu des deux musiciennes. Le romantisme de Schumann sied mieux au piano qui passe ainsi au premier plan. Artiste rare et généreuse, Marie-Josèphe Jude offre son toucher délicat et son écoute précieuse pour se faire à la fois partenaire idéale de la flûte et pianiste de très grande classe. Un vrai régal !

[…] Ce qui imprime, à première écoute de ce cédé, est la qualité du jeu en duo, la fusion
sonore des deux instruments. C’est évidemment une très belle rencontre musicale.
L’incrustation d’œuvres de Robert Schumann entre celles de Maurice Ravel et de
Claude Debussy n’est pas aussi incongrue à l’oreille qu’on aurait pu le penser à la
lecture du programme. Elle ne provoque pas de rupture notable, le sentiment de
changer de planète.
Ce cédé est une réussite, qui maintient l’attention sans une mesure de relâchement,
de la première à la dernière seconde, en continuum. La germanophobie maladive de
Claude de France lui fera peut-être grincer les dents pour être en si mauvaise
compagnie…  mais il y a si longtemps.